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DENIS MALARTRE
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TYPOGRAPHIE (1990)
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OBJECTAL TYPOGRAPHIQUE
Le travail typographique que nous exposons sur ce site, achevé aux alentours de 1990, utilise les ressources numériques du logiciel XPress. Cet outil de mise en page, encore récent à l’époque (il a été conçu en 1987), connaîtra un succès mondial auprès des graphistes professionnels jusqu’au début des années 2000, au cours desquelles il sera supplanté progressivement par son unique concurrent, Indesign.
En 1990, Denis Malartre a abandonné toute pratique de la photographie pour devenir maquettiste. De ces cinq “Livres” qu’il a réalisés et que nous présentons ici, il ne reste rien sinon des impressions de qualité médiocre, effectuées à partir d’une imprimante de bureau et contrecollées sur les gabarits cartonnés d’un magazine, que nous avons numérisées pour l’occasion : les fichiers informatiques originaux sont malheureusement introuvables. Cependant, si nous osons montrer ici ces “Livres” sous cette forme imparfaite, c’est parce que nous les considérons comme essentiels dans l’œuvre de Denis Malartre.
Soulignons d’emblée que, pour les concevoir, il a utilisé le logiciel XPress comme personne ne l’utilisait alors et, à notre connaissance, comme personne ne l’a jamais utilisé : dans une perspective qui n’est ni typographique — à proprement parler — ni graphique, mais picturale, et dont on perçoit clairement la parenté avec ses photographies “objectales”.
En effet, en jouant de la déformation numérique des caractères et notamment de leur étroitisation, en réduisant leurs approches, en diminuant leur taille et en serrant l’interlignage avec une radicalité dont aucun autre exemple ne nous est connu, une radicalité à faire hurler les typographes puristes — ou plutôt puritains — et qui va jusqu’à évacuer, page après page, la notion-même de texte et de typographie alors que ceux-ci constituent, paradoxalement, la matière de ce qui est montré ; en se moquant éperdument, à contrepied des graphistes, de ce qui est “communiqué” et en ne s’attachant qu’à ce qui est présent ; en prenant le parti de l’abstraction envers et contre toute lisibilité — cette dernière est un arrière-plan, elle est utilisée comme élément abstrait parmi d’autres, nous pourrions dire conceptuellement ; en multipliant les colonnes de texte jusqu’à les rendre presque imperceptibles (cf. pages 28-29), ou en discréditant le concept de “pavé de texte” — objet caractérisé par les marges qui l’entourent dans la page — faisant courir les lignes sur toute la largeur du livre ouvert sans tenir compte de la pliure (cf. pages 18-19) ; en n’utilisant pour tous ces “Livres” qu’une seule police de caractères (et qui plus est dans une seule graisse), le Futura, une des plus courantes, une police “minimale” comme l’étaient aussi, ces années-là, le Franklin Gothic et l’Helvetica (on retrouve d’ailleurs cette dernière comme si elle nous faisait un clin d’œil dans une photo prise auparavant à New York — cf. rubrique “New-York”, photo numéro 13) ; en ne s’attachant qu’à la disposition des surfaces et à la valeur des “gris typographiques”, notion ancienne qui date de l’impression au plomb mais qui est redéfinie ici par l’utilisation des ressources extrêmes de la numérisation (superposition des caractères, étroitisation, etc.) ; en montrant, dans ces espaces gris, comment les “copié-collés” répétés d’un même texte créent des rythmes sur la surface imprimée, créent de nouvelles matières, de nouvelles formes ; en s’intéressant non au texte mais aux textures — qui vont jusqu’à moirer comme le feraient des trames superposées (cf. pages 42-43) —, alors même qu’on ne peut oublier à aucun moment qu’il s’agit de texte ; enfin, en interrogeant notre rapport aux surfaces imprimées plus qu’au sens que nos habitudes cherchent-et-trouvent immédiatement à la vision des objets typographiques, comme le feraient des chiens de Pavlov qui auraient appris à lire et chercheraient un message, Denis Malartre prolonge, dans le nouveau domaine qu’il vient d’aborder professionnellement (la mise en page), la recherche qu’il a initiée avec ses “objectales” en 1986, quatre années auparavant.
Abstraction, minimalisme, cadre, géométrisation, composition, rapport de surfaces, rapports de gris, de matières, illusions spatiales, surprises, déstabilisation… tout s’y retrouve — et nous nous y perdons avec délice.
Dans cette perspective, les travaux typographiques de Denis Malartre, qu’il n’a montrés de son vivant, croyons-nous savoir, qu’à une seule personne, prennent toute leur importance, tout leur sens, et s’inscrivent au plus intime de son œuvre.
Antonin Lazare
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“Typographies”
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